Disparitions

Henry Chapier & Gaston Haustrate

Henry Chapier (1933 - 2019)

Dandy affable, polyglotte et curieux de toutes choses, il fut, sans risque de me tromper, notre seul adhérent qui eût – chevelure au vent et diction baroque fidèlement rendues – sa marionnette aux Guignols de l’info. Né à Bucarest, expulsé avec sa famille vers la France en 1947, études à la Sorbonne, prof de lettres, pigiste ici et là, il se cale définitivement dans la critique cinématographique en 1958 à Arts, aux côtés de François Truffaut. Dès l’année suivante, il emporte (pour l’Express) le prix du meilleur  journaliste débutant et entre enfin à Combat où il pose sa rubrique pour 15 ans. En 1968 et 1970, il tourne ses premiers longs métrages (Un été américain et Sex Power, primé à San Sebastian), expérience professionnelle qui comptera pour un critique lyrique et passionné, mais qui n’oubliera jamais de parler de création cinématographique d’un point de vue mesuré. Une position à l’écart des avis péremptoires et des idées toutes faites qui, liée à une véritable écoute de chacun, constitue une des clés d’une personnalité attentive et chaleureuse. La seconde étant l’engagement : ponctuel et qui le fit connaître, en 1968 pour l’« Affaire Langlois », plus permanent pour le cinéma d’Essai (comme directeur de département au CNC) et surtout, à chaque instant pour toutes les libertés, contre toutes les censures. Ce qui l’amènera tout naturellement à rejoindre notre syndicat. Anecdotique, mais révélateur de son amicale disponibilité : il accepta volontiers d’y exercer quelques temps le rôle modeste autant qu’ingrat de commissaire aux comptes ! Mentionnons enfin que cette star de la critique (univers clos) accéda à une vaste popularité avec son émission « Le Divan » où se succédèrent tout ce que la France comportait de célébrités en tous genres. Mais n’y continuait-il pas, sous d’autres formes, à sonder les esprits après avoir si finement analysé les formes ?

Gaston Haustrate

Gaston Haustrate fut de cette génération d’immédiat après-guerre qui cumulait volontiers militantismes syndical, politique et culturel. Compositeur typographe à 14 ans, il devint journaliste autodidacte dans la P Q R avant de se spécialiser dans le 7e art. Entré en mars 67 au comité de rédaction de Cinéma (revue culturelle la plus diffusée à l’époque, émanation de la Fédération Française des Ciné-clubs), il y remplace, deux ans plus tard, le fondateur Pierre Billard au sein d’un triumvirat de rédacteurs en chef. Il restera seul maître à bord en 1972 lorsque ses colistiers fonderont une revue concurrente. Gestionnaire efficace, Gaston Haustrate affichera un grand souci de pédagogie et de pluralité éditoriale au sein d’une revue clairement située à gauche.  Plus une grande indépendance en regard des modes fugaces et des emballements médiatiques. Ainsi fut-il (pour exemple) l’un des rares à dénoncer « l’illusion romantique » de l’ « Affaire Langlois ». La décennie suivante voit débuter l’inexorable déclin des ciné-clubs, puis leur agonie. Cinéma cesse d’émettre en 1987. Déjà auteur de quelques ouvrages spécialisés (Arthur Penn, Bertrand Blier, Jean-Pierre Mocky) Haustrate se reconvertit dans l’édition, fonde la société Caliban en 1995 et se tourne vers le roman. Signalant sa disparition, Livre Hebdo le qualifie d’ « Écrivain cinéphile ».

Par Jacques Zimmer