Les Critiques sont-ils ceux que vous croyez ?

Réponses de Axel Cadieux

1. De quel milieu social êtes-vous issu(e) ? Venez-vous de Paris ou de province ?


Plutôt classe moyenne. Ma mère était “au foyer”, comme on disait à l’époque, et mon beau-père, technicien. J’ai grandi dans un petit village du Sud-Est avant de faire mes études supérieures à Aix-en-Provence, puis Paris. 


2. Quelle est votre expérience des rapports entre hommes et femmes au sein du milieu de la critique ?


Mon impression personnelle est qu’une femme aura toujours plus à prouver qu’un homme pour être considérée comme légitime. Pour être lue, ou écoutée. Ça n’est évidemment pas propre au milieu de la critique, mais c’est d’autant plus prégnant dans un écosystème où l’incarnation, l’éloquence et la confiance en soi jouent un rôle fondamental. 



3. Quelle est votre manière de pratiquer (ou pas) la politique des auteurs ?


J’écris moins de critiques que par le passé, mais situer un film au cœur de l’œuvre d’un auteur, saisir les dynamiques qui animent une filmographie, me paraît central dans l’exercice. Pour autant, tous les textes, films ou cinéastes ne s’y prêtent pas. Je n’ai pas vraiment de règle en la matière, tout dépend de ce qui se crée lors du visionnage. Et surtout, je ne fais aucune hiérarchie entre un metteur en scène considéré comme un auteur et un autre taxé d’artisanat. Cette dualité me paraît, le plus souvent, assez vaine et limitante. 


4. Dans quelle mesure vos relations – amicales, professionnelles ou mondaines – avec les cinéastes et les autres critiques peuvent-elles parfois avoir une influence sur votre manière de parler des films ? 


À une exception près, je n’ai pas d’amis cinéastes. Ni même de connivence. Je n’installe pas ce genre de rapports lors d’une interview et je n’en suis pas mécontent. Ceci dit, soyons honnêtes : si je devenais ami avec un réalisateur et que je n’aimais pas son dernier film, j’éviterais si possible d’en parler ou d’écrire dessus. Je n’écris pas pour blesser et je crois qu’une amitié a plus de valeur qu’un texte. 
Pour ce qui est des critiques et confrères, je m’efforce au maximum d’ignorer ce qu’ils ont pensé d’un film sur lequel je dois écrire. Et lors de la rédaction, j’essaie de ne pas songer à ce qu’ils pourraient éventuellement penser du texte terminé. J’écris comme si je m’adressais à des amis, à de la famille, à un commerçant ou un inconnu ; mais pas aux confrères. Écrire pour les confrères, en les ayant constamment à l’esprit, me paraît être un biais qui favorise l’entre-soi et la recherche du bon mot ; du meilleur mot. Et je n’envisage pas cette activité comme une compétition. 


5. Comment votre activité critique cohabite-t-elle avec le fait de faire des films ou le choix de ne pas en faire ?


Je n’ai jamais voulu réaliser. Je me sens très à l’aise devant un clavier ou au cœur d’une interview. Beaucoup moins derrière une caméra. Et ça n’est absolument pas incompatible à mes yeux. 


6. Existe-t-il un principe moral que vous vous interdisez de transgresser dans le cadre d’une critique ? 


Je ne me suis pas posé cette question et ne tiens pas de liste de principes moraux à ne pas transgresser. Mais il ne me viendrait pas à l’idée d’attaquer une personne plutôt qu’une œuvre, par exemple. Et je fais en sorte, toujours, d’écrire pour être lu par le plus grand nombre. Si quelqu’un de peu cinéphile mais simplement curieux tombe sur mon texte et le trouve incompréhensible ou simplement difficile à lire, je considère que c’est un échec. Je crois que toutes les idées peuvent être exprimées avec clarté, et qu’un paragraphe alambiqué trahit une piste qui n’a pas assez germé. 


7. Identifiez-vous une spécificité de la génération de critiques à laquelle vous appartenez ?


Je suis né en 1988 et j’ai l’impression que ma génération se situe dans un drôle d’entre-deux : une accessibilité assez précoce à tout un tas d’œuvres via les cassettes puis les DVD - ce qui était considéré comme un luxe par nos aînés -, mais moins d’agilité sur internet que les plus jeunes. Concrètement, à 30 ans, quand j’ai eu l’impression d’avoir enfin développé une plume à peu près aguerrie, j’ai aussi eu la sensation d’être balayé par une nouvelle génération maniant d'autres outils. Et je suis très content que cette diversité de moyens d’expression existe !