Vive la critique !
Qui mieux que la critique peut parler de la critique ?
C’est cette conviction qui nous a décidés il y a quelques années à repenser la ligne éditoriale de cette Lettre syndicale pour la recentrer autour de la critique, ses problèmes, ses aspirations, ses petites victoires et ses relations avec l’industrie du cinéma. Dans cet esprit, le conseil d’administration de notre Syndicat a connu plusieurs tentatives de mettre à jour et rééditer, en édition papier ou numérique, l’indispensable somme coordonnée par Michel Ciment et Jacques Zimmer, La Critique de cinéma en France (Ramsay, 1997). À défaut que nous y soyons encore parvenus, je suis heureux que ce numéro spécial de La Lettre offre un formidable instantané de ce qu’est la critique de cinéma dans la France d’aujourd’hui. Non pas tant sur les conditions financières de son exercice - des conditions que l’on sait déplorables au point que, parmi les plus jeunes, le bénévolat est devenu une réalité avec laquelle il faut compter. Mais plutôt sur le cœur de sa pratique.
Je me garderai d’esquisser ici tous les enseignements à tirer de ces témoignages. Cet ensemble constitue une mine d’informations qui pourra donner matière à études savantes et exégèses. En répondant aux sept mêmes questions, tous les participants apportent leur contribution à un débat qui pourra se prolonger dans les prochains numéros. L’intérêt est d’avoir réuni tous les supports (presse papier, radio, télévision et bien sûr internet) et toutes les générations des deux sexes, des vétérans aux nouveaux venus dans le métier, qu’ils ou elles soient membres ou non de notre syndicat. Leur parole libre et construite (car on sent bien tout le travail et le temps de la réflexion derrière certaines réponses) redessine les contours d’une pratique où l’on mesure tout ce qui a pu changer dans les relations hommes-femmes, comme dans la politique des auteurs ces dernières années. Par rapport à nos glorieux aînés des années 1950-1960, bien peu pensent la critique comme une passerelle vers la mise en scène. Il y a une satisfaction, voire une jouissance, de se confronter au film et, quelle que soit l’approche retenue, la volonté de partager et de transmettre autour du septième art.
Donner la parole aux critiques pour parler de la critique est ainsi le meilleur moyen de renverser tous les clichés pour témoigner de la vitalité d’une expression qui se nourrit des échanges au sortir des projections, au sein des rédactions ou dans les émissions débats pour porter plus haut et plus loin une parole et une pensée qui, refusant l’entre-soi, vise à s’adresser au plus grand nombre. C’est en ce sens qu’il nous a paru naturel au sein du SFCC d’associer au maximum les critiques au travail des exploitants pour animer des séances, notamment en régions, via la collaboration avec l’ADRC, ou encore de s’investir le plus possible dans les opérations d’éducation à l’image. Car il revient à la critique de contribuer à former de jeunes spectateurs, seuls garants de la pérennité d’un art qui doit d’abord remplir les salles avant de se rabattre sur nos écrans domestiques. En n’oubliant pas que former des spectateurs c’est aussi former des citoyens.
Continuons donc à célébrer le cinéma dont les audaces, les éclats et les splendeurs nous aident à vivre.
Et vive la critique de cinéma dont les multiples combats n’ont pas fini de nous passionner et devraient encore longtemps électriser notre quotidien !