Compte rendu

des Prix SFCC de la Critique 2018

Entre deux séances de Rohmer et une projection d’un premier film, La Cinémathèque française a une nouvelle fois accueilli la cérémonie de remise des prix du Syndicat de la Critique. Moins solitaire que les palmarès personnels, plus intimiste que les César, c’est une nouvelle occasion de faire le bilan de l’année cinéma. On s’y retrouve comme à un repas de famille, sans les joyeuses enguelades et les interminables débats, c’est l’heure de la restitution !

Xavier Leherpeur orchestre la soirée et accueille les différents lauréats qui se succèdent sur scène. Une cinquantaine de personnes défile, au pas de course, la larme à l’œil ou le carton d’invitation accidentellement collé sur la fesse, pour décerner ou recevoir les seize prix 2018, SFCC2018 pour les intimes.

Avec un doux pincement au cœur : la magnifique partition de Peau d’Âne ouvre le bal, deux jours après la disparition de Michel Legrand. Isabelle Danel, dans son discours d’ouverture poursuit cet hommage et fait honneur à deux figures majeures de la critique française : André S. Labarthe et Pierre Rissient (dont l’édition de Cinq et la peau a remporté le Prix Curiosité, mettant à l’honneur « cet homme qui passait plus de temps à parler des autres films que du sien »).

Les récompenses s’enchaînent. Au moment du Prix du Meilleur album pour Conversations avec Darius Khondji, le chef opérateur en personne se lève de son siège sous les applaudissements de la salle. Philippe Rouyer, a.k.a ‘’le critique le plus fétichiste d’entre nous’’ donne le palmarès DVD/Blu-Ray en faisant l’apologie des commentaires audio, meilleur moyen d’être chez soi au côté d’un cinéaste. Après les Delluc et avant les César, Xavier Legrand reçoit le Prix du Meilleur premier film pour Jusqu’à la garde, tandis que son producteur Alexandre Gavras remet au SFCC, le prix de la cérémonie la plus sympathique.

Le discours de la crise de la profession de journaliste - menacée par la presse en péril, le sacre de l’amateur ou les fake news - a cette année fait écho à une actualité brulante. Cette résonance a permis d’élargir le propos et de tisser des liens non pas dans le seul cercle de la critique cinéma mais aussi chez les enseignants chercheurs ou les artistes. Alex Lutz, lauréat du Prix du film Singulier pour le formidable Guy, a évoqué dans son discours cette société incertaine dans laquelle la seule chose à faire est de continuer à écrire, partager, faire et créer. Être toujours en action, c’est aussi l’image que nous a offert cette soirée. Au-delà d’un panorama divers et varié d’artistes récompensés, nous avons vu des créateurs tournés vers l’avenir et déjà au travail : Thomas Lilti annonce une deuxième saison d’Hippocrate, Abdellatif Kechiche espère nous montrer très vite son Mektoub My Love : Intermezzo, Paul Thomas Anderson adresse un SMS de remerciement pour Phantom Thread, expliquant qu’il œuvre déjà sur le prochain film. Même le président de La Cinémathèque, Costa Gavras, s’est porté absent pour la seule excuse qui vaille, il est en plein repérage de son nouveau long-métrage…

Un des grands moments de la soirée restera le Prix du Meilleur film français, remis par l’ensemble des membres du syndicat à l’extraordinaire Mektoub My Love : Canto Uno. Cette récompense est d’autant plus belle que le film est quasiment absent des César. Par rapport au plébiscite unanime de 120 battements par minute l’année dernière, une autre voix s’élève mettant en lumière une grande œuvre oubliée par la profession mais bercée par les louanges de la critique. Abdellatif Kechiche monte sur scène, très ému au moment de recevoir ce prix. Ses paroles résonnent dans une salle à l’écoute et pendue à ses lèvres. Vivement la suite, vivement l’année prochaine.

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Léo Ortuno