La crise est stimulante

par Fausto Fasulo

Fausto Fasulo est rédacteur en chef de la revue Mad Movies. Dans la La Lettre, il a participé en décembre 2020 à une table ronde autour de la question des plateformes (voir ici).

“La longueur que tu veux” m’a-t-on dit. Merci pour la souplesse dans la directive, sachant que je subis un triple bouclage de fin d’année et que je suis déjà scandaleusement à la bourre pour le rendu de ce texte. Texte dont je n’ai d’ailleurs pas tout à fait cerné l’absolu dessein (pardon), si ce n’est qu’il peut épouser les contours d’un billet d’humeur, d’une “visite” dans les coulisses de la/ma rédaction, d’un rapide coup d’œil sur le dessous des cartes en somme. Merci pour le choix des armes, j’apprécie. Je ferai donc un peu tout ça à la fois si vous me le permettez, réitérant ainsi une litanie bien connue du milieu (la crise, tout ça, tout ça…) avec, je l’espère, un peu de panache – car on n’a plus que ça, n’est-ce pas ? Bref, vous ne le savez que trop bien : la presse cinéma tente de garder la tête hors de l’eau depuis plusieurs années (au doigt mouillé, je dirais un peu moins d’une dizaine ?), confrontée à une érosion incessante de son lectorat (qui ne se renouvelle pas : avez-vous déjà vu un adolescent traîner chez un kiosquier ?), à une hausse permanente de ses coûts de production matérielle (largement évoquée ces derniers mois), à la concurrence “gratuite” des réseaux sociaux (qu’aucune revue de cinéma n’a encore trouvé le moyen d’utiliser pertinemment) et à l’épuisement d’effectifs sursollicités (car QUI veut écrire aujourd’hui ? Hein ? QUI ?!). Disons-le trivialement : c’est la merde. Mais ce constat évidemment décliniste ne saurait être, je l’espère, définitif : chez nous, on se remue comme jamais, multipliant les publications “annexes” (comprendre : les hors-séries, devenus indispensables dans notre économie) et réfléchissant constamment à un traitement de l’actualité le moins figé possible (comprendre : multiplier les approches transversales et revendiquer l'élargissement de notre champ de réflexion). En fait, jamais la presse cinéma n’avait été à ce point enjointe à se renouveler. Et paradoxalement, travailler la “matière” critique n’aura jamais été aussi stimulant. Peut-être parce que pour un magazine (sur)spécialisé comme le nôtre, l’affirmation d’une identité “différente” reste l’horizon ultime ?

Fausto Fasulo