Stupéfaction !

Édito

Où en est la critique de cinéma ? Un récent numéro de l’émission d’investigation culturelle de France 2 – se faisant probablement l’écho d’une vision de la profession assez répandue aujourd’hui - a d’ores et déjà décidé de son sort.

Stupéfiant ! a particulièrement bien porté son titre avec l’émission du 8 avril consacré à un état des lieux du cinéma. Parmi les sujets, un prit le pouls de la critique, lancé par Léa Salamé se demandant si c’était la fin pour ce métier. Les vingt minutes qui ont suivi auront confirmé qu’on est loin d’un début de véritable réflexion. Plutôt qu’ausculter le malade, il n’en sera question ici qu’au passé. Les Cahiers du cinéma sont à vendre ? Allons interroger Serge Toubiana, qui les a quittés en 2000, plutôt que la rédaction actuelle, des fois qu’ils auraient quelque chose à dire sur la question... Mieux vaut évoquer l’époque et l’image d'Épinal des fondateurs parti fonder la Nouvelle Vague. Ou invoquer les joutes Charensol/Bory au Masque et la Plume et Gérard Lefort pour des séquences nostalgiques d’une certaine férocité disparue. Même Jérôme Garcin déplore la disparition en cours d’“une vieille bonne critique”...  Qui de toutes façons serait néfaste : Jean-Jacques Annaud assure dans la séquence suivante qu’il a quitté la France à cause d’elle. Un état des lieux donc, mais pour le moins à charge et plus encore rédigé sans sonder le présent. Rien sur la place de plus en plus rabougrie des rubriques, ni sur le pourquoi d’une défiance du lectorat ou le poids du marketing des gros distributeurs. Encore moins de parole donnée aux responsables de revues. A peine plus sur la concurrence du Net (prometteur ce passage sur Allociné dont le rédac’chef est interrogé sur des pratiques qui font tiquer, des fameuses étoiles aux manipulations des comptes-lecteurs, mais à qui il est dit amen dès qu’il jure la vertu du site) mais surtout une absence totale de contrepoint. Jusqu’au patron des pages ciné de Libé, qui sera crédité « responsable des pages culture » pour parler tirage du numéro affichant La flor en une, mais surtout pas de la situation de la presse cinéma, ce sujet repose sur l’édifiante absence des premiers concernés. Le dernier clou du cercueil sera enfoncé par Dominique Segall justifiant ne pas avoir convié la presse écrite aux projections de Tanguy, le retour, au motif qu’elle pourrait “torpiller notre travail”.  N’en jetez plus, au lieu de se pencher concrètement sur les raisons d’un déclin, de les mettre en perspective, voire simplement de faire son travail d’investigation culturelle, ce sujet met en scène un avis de décès, sans fleur ni couronnes. Pour une vision ayant moins la mort dans l’âme, prière d’attendre une  émission ( un éventuel numéro de Complément d’enquête à l’occasion du festival de Cannes ?) n’hésitant pas à creuser un minimum sous la surface des choses.

Alex Masson Alex Massson