FRANÇOIS AYMÉ

President de l'AFCAE [Association Française des Cinémas d’Art et Essai] (France)

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« La critique est importante. Derrière les discours qui minimisent sa place, on voit que les auteurs, les distributeurs, les producteurs, les directeurs de salles de cinéma sont à l‘affût des critiques et qu’ils les lisent.


La critique a un rôle essentiel à jouer au moment où le système d’exploitation devient binaire : d’un côté la salle de cinéma, et de l’autre les plateformes, dirigées par des diffuseurs qui travaillent avec des algorithmes orientés dans une logique commerciale. Cette logique de consommation stérile ne fait pas émerger de nouvelles façons de raconter des histoires, ni de nouveaux auteurs. Cela va à l’encontre du travail de la critique, mais aussi de celui de tous ceux qui promeuvent des films qui ne sont pas naturellement dans le champ d’intérêts économiques. L’algorithme fixe une sorte de déterminisme calculé : il n’est mû par aucun souci d’éducation, d’incitation, d’éveil, de développement du goût, par aucune sensibilité.


Il faut défendre la critique de cinéma qui valorise les œuvres et travaille à faire découvrir des films et des auteurs. C’est ce qui fait la spécificité profonde, historique, du cinéma art et essai, par rapport à un autre cinéma plus consumériste. Il faut se souvenir que c’est à partir du moment où il y a eu une véritable critique que le cinéma a pu se développer artistiquement, dans les années 1920 d’abord, puis dans les années 1950 en lien avec les ciné-clubs et les salles de cinéma art et essai. Pour mémoire, l’AFCAE n’a pas été créée seulement par des directeurs de salles en 1955, mais aussi par des critiques qui partageaient conjointement une vision artistique exigeante du cinéma.


Les films et les auteurs sélectionnés par la Semaine de la critique se retrouvent défendus en majorité dans les salles françaises d’art et essai. Le plaisir qu’offre la Semaine est celui de la découverte de nouveaux auteurs, non formatés. Tout un pan du monde n’est pas représenté dans le système actuel. Sur les plateformes et de plus en plus au cinéma la culture dominante est anglo-saxonne. Il faut ouvrir, rééquilibrer, et c’est le travail de la Semaine de la critique et de l'AFCAE : repérer et faire émerger d'autres cinématographies, d'autres visions du monde. »

Propos recueillis par Nathalie Chifflet