SYLVIE PIALAT

Productrice (Les Films du Worso – France)

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« La critique peut aider à faire des films en ce sens que les cinéastes fortement soutenus par la critique acquièrent une forme de légitimité. En tant que productrice, quand un metteur en scène très apprécié par la critique me propose un projet, je l’accueille avec un œil bienveillant.

Je lis les critiques, mais au moment de produire un film je n’essaie jamais d’anticiper ce qu’ils pourront en penser. Je n’ai aucun problème à parler des films en préparation avec des critiques, parce que ce n’est pas le sujet. Même si les films que je produis ont besoin de la critique quand ils sortent, ce n’est pas à ça que je pense au moment où on les fait : je pense aux spectateurs. Qui va aller voir ce film ? Est-ce que cela va toucher les gens, leur parler ? Avec tout ce qui est accessible aujourd’hui sans bouger de chez soi, c’est une question essentielle. Regarder des contenus indifférenciés depuis son canapé et aller au cinéma, en salle, voir une œuvre originale, ce n’est pas la même chose. Le cinéma doit pouvoir aider tout le monde à vivre. Or, rester chez soi ne nous aide guère à vivre.

Les critiques sont les derniers à parler encore de mise en scène, un sujet qui, sinon, n’intéresse pas grand monde. Nous parlons donc de la même chose, et cela permet de se retrouver. Ce n’est pas de l’entre soi, mais quelque chose d’important que nous partageons. Car c’est la mise en scène qui fait qu’un film nous touche, nous bouleverse ou nous fait rire. L’émotion qu’il nous procure vient de là, et pourtant c’est indicible pour la plupart des spectateurs, qui ne savent pas l’analyser.

Pour donner envie d’aimer les films, pour toucher, la critique doit savoir être sentimentale au sens large. Et nul besoin d’en faire des tonnes : en quelque lignes, on peut donner très envie d’aller voir un film.

La critique arrive au moment le plus dur pour le metteur en scène, c’est-à-dire avant le public. Si la critique est mauvaise, cela met un coup sur la tête. Les festivals sont des tremplins formidables et quand cela se passe bien, ce n’est pas nécessairement parce qu’on a eu un prix, mais bien parce que la réception critique a été positive. Cela dit, il arrive aussi qu’un festival ne se passe pas très bien, mais qu’on assiste ultérieurement à des revirements critiques. Pour un metteur en scène, et derrière lui le producteur et le distributeur, un festival peut donc être terrible ou formidable. Que ce soit à Cannes ou ailleurs. »

Propos recueillis par Nathalie Chifflet

© Photo Sylvie Pialat : David Balicki